Dechoukaj

Je titube dans la ville en flammes

à travers le dédale de ses rues enfumées

la poussière fabuleuse des bidonvilles

et la solitude des morts-vivants

c’est l’histoire troublante d’un pays envoûté

 

Je titube dans la ville en flammes

à travers l’inquiétude des rescapés

l’hébétude des veuves et des enfants

la ville est prise en otage par les fantômes

c’est l’histoire tragique d’un peuple mystifié

 

Je titube dans la ville en flammes

je trébuche au milieu des stèles renversées

des livres dispersés des temples profanés

des monuments brisés et des corps calcinés

c’est l’histoire troublante d’un pays envoûté

 

Je titube dans la ville en flammes

à travers l’inquiétude des rescapés

parmi les carcasses et les cendres des autodafés

la ville est prise en otage fantômes

c’est l’histoire tragique d’un peuple mystifié

 

Je titube dans la ville en flammes

parmi les carcasses et les cendres des autodafés

l’armée pitoyable des culs-de-jattes

et la prière interminable des manchots

c’est l’histoire troublante d’un pays envoûté

 

Je titube dans la ville en flammes

à travers des dédales de ses rues enfumées

J’aperçois les autels défoncés les stores éventrés

les gosses dans la rue manipulant leur batte

c’est l’histoire troublante d’un peuple mystifié

 

Je titube dans la ville en flammes

j’entrevois les tombeaux saccagés les églises brûlées

le boulevard jonché de cadavres créés

la meute des voyous hurlant vociférant

c’est l’histoire troublante d’un pays envoûté

 

Je titube dans la ville en flammes

j’entends le concert baroque des crève-la-faim

l’essaim des prolétaires à l’assaut des villas

les patrons bastonnés les bourgeoises violées

c’est l’histoire tragique d’un peuple mystifié

 

Je titube dans la ville en flammes

j’entends le concert baroque des crève-la-faim

la colère sauvage des prolétaires

debout pour édifier le monde nouveau

c’est l’histoire troublante d’un pays envoûté

Bibliographical info

Christophe Charles, « Dechoukaj », Fantasmagorie, Port-au-Prince, Les éditions Choucoune, 1993.

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