
J’ai voulu avaler le soleil, absorber les coups désirés, tenir la mer dans mon regard sans jamais faire le deuil des rives. C’est un appétit qui me dépasse — un amour si grand pour le vivant que le chagrin devient inconsolable. Je finis par vouloir disparaître pour ériger une frontière à ma faim, à cet amour excessif, étouffant, un raz-de-marée qui m’effraie au point où je reste tétanisée dans la même pièce pendant des jours, sans rien amorcer, pour que tout demeure prégnant, comme gonflé de lumière.
Olivia Tapiero, « J’ai voulu avaler le soleil... », Rien du tout, Mémoire d’encrier, 2019