Le castor et le loup-cervier

Un castor, bon enfant, un jour prêta l’oreille

      Aux paroles d’un loup-cervier.

Il s’agissait d’éteindre une haine bien vieille

Et d’échanger enfin la branche d’olivier.

« Pour sceller l’amitié l’on pourrait, ce me semble,

Dit l’astucieux lynx, chasser toujours ensemble...

Je grimpe prestement, vous ne l’ignorez pas,

                 Sur les plus hautes branches ;

                 Au lieu de chair en tranches

Vous aurez, chaque jour, des fruits mûrs aux repas. »

Ils vécurent longtemps sur le bord des rivières,

Mais le lynx mangeait seul, et de bon appétit

        Et sans faire trop de manières,

        Le gros poisson et le petit.

 

« De la société, je porte seul les peines,

Lui dit, bien poliment, le castor aux abois ;

Soyez plus généreux ; rentrons dans les grands bois,

Montez sur quelque hêtre et donnez-moi des faînes.

— Des faînes ? J’y pensais ; ça fera changement. »

                 Ils marchaient lentement,

Car les pieds du castor n’ont pas grande vitesse.

                 Après de longs circuits

Ils trouvèrent un hêtre assez chargé de fruits.

     Le loup-cervier avec prestesse

Grimpa sur les rameaux et se mit à manger,

            Sans nullement songer

            À son bon camarade.

« Vous ne me donnez rien ? demanda celui-ci.

— Ta santé délicate est mon plus grand souci,

Et je crains que ce fruit ne te rende malade...

      Il ne faudrait qu’un accident,

      Répondit le lynx impudent.

« C’est vrai, fit le castor, j’en souffrirais peut-être ;

L’écorce me suffit. »

                    Sous des dehors sereins

Il cachait sa colère. Or, il coupe le hêtre.

Maître loup-cervier tombe, et se brise les reins.

Le fourbe bien souvent de l’innocent abuse,

Mais la naïveté n’empêche pas la ruse.

Pour aller plus loin

1. Quelle est la morale de cette fable ?

 

2. Que veut dire Pamphile Lemay quand il écrit le vers : « Et d’échanger enfin la branche d’olivier. »

 

3. Pouvez-vous nommer au moins trois rimes riches présentes dans ce texte ?

 

4. Quelles sont les caractéristiques morales associées au castor et au lynx par Pamphile LeMay ? 

 

5. Comment pourriez-vous infléchir votre voix et votre posture pour distinguer les différents dialogues du texte ?

 

Activité d’écriture :

En vous inspirant du texte « Le castor et le loup-cervier », écrivez une fable pourvue d’une morale dans laquelle deux animaux dialoguent entre eux.

 

Lien utile

Lecture du poème « Vieux arbres et vieux hommes » de Pamphile LeMay par Diane Boudreau

 

Lecture du poème « Nostalgie » de Pamphile LeMay, par Diane Boudreau

 

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Bibliographical info

LeMay, Pamphile,  « Le castor et le loup-cervier », Fables canadiennes, Québec, Darveau, 1882.

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