Les poètes boivent des martinis

pour saluer Sylvia Plath et Ann Sexton

 

Sylvia et Ann boivent des martinis dans le bar

d’un hôtel à Boston. Leurs robes aux motifs soyeux

s’enroulent autour de leurs doigts; elles se demandent

 

s’il faut être hantées par la vaisselle et les draps

pour écrire des poèmes dans lesquels les objets volent

entre vers et prose, atterrissent sur les murs

 

de la cuisine et se fracassent au cœur des images

ou des phrases déclinées durant leurs années

d’apprentissage. Les deux femmes, ménagères averties,

 

écrivent sur les boîtes de macaronis, les préparations

pour gâteau; Betty Crocker est une muse, spatule

à la main, elle scande la mesure de leurs cris étouffés

 

dans le garde-manger. Les portes d’armoire claquent,

le lavabo hurle ses déchets accumulés par la famille.

Sylvia et Ann boivent des martinis, leur tête

 

est lourde, le travail s’accumule depuis leur départ.

J’écoute leur conversation féroce, je suis derrière,

subjuguée par leur maîtrise des mots et de l’art ménager;

 

émue je m’incline devant leurs voix.

Je n’ouvrirai pas le gaz de la cuisinière.

Pour aller plus loin

1. À qui ce poème rend-il hommage ? 

 

2. « Pour écrire des poèmes dans lesquels les objets volent / entre vers et prose (…) » En quoi cette citation tirée des vers 6 et 7 est-elle représentative du poème lui-même ?

 

3. À l’instar du titre « Les poètes boivent des martinis », pouvez-vous relever les formules frappantes qui, par la rencontre de champs lexicaux en apparence éloignés, démontent l’image traditionnelle des poètes ou encore celle des femmes ? 

 

4. Les objets ménagers, les outils de cuisine et les aliments occupent différentes fonctions détournées de leur usage habituel, tout au long du poème, jusqu’au vers final empli de sous-entendus. Comment et de quoi ces objets parlent-ils ?

 

5. Trouvez différentes façons d’exploiter à l’oral les ruptures de rythme dans la continuité syntaxique : jouez avec les pauses et les enjambements entre les tercets et entre le dernier tercet et le distique de fin.

 

Activité d’écriture
Imaginez une rencontre entre deux personnages du siècle dernier que vous auriez aimé connaître et écrivez un poème inspiré par cet échange inventé.

 

Liens utiles :
Une critique du recueil Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles dans le magazine littéraire Nuit blanche :

Entrevue de Carole David sur le site les Voix de la poésie où l’on découvre les intentions de la poète derrière l’écriture de ce poème

Section « Pour aller plus loin » rédigée par
Bibliographical info

« Les poètes boivent des martinis », Manuel de poétique à l’intention des jeunes filles, Montréal, Les Herbes rouges, 2010.

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