Mention de source
Mathieu Poirier

Biographie

Catherine Cormier-Larose codirectrice générale et directrice artistique du Festival de la poésie de Montréal. Elle est également poète, Poète à l’école avec l’organisme Les voix de la poésie, fondatrice du festival Dans ta tête et commissaire indépendante. Cormier-Larose a publié dans plusieurs revues, fanzines et collectifs et son recueil Vickie vient de paraître (Fond'tonne, 2021) ainsi que l’Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec 2000|2020 codirigée avec Vanessa Bell (Remue-ménage, 2021). Son premier recueil, L’avion est un réflexe court (Del Busso, 2017), sera bientôt traduit en anglais. Elle a performé et animé sur différentes scènes partout au Québec et à l’étranger.

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?


Je ne me souviens pas qu’aucune enseignante ou aucun enseignant n’ait abordé la poésie au primaire ou au secondaire. C’est seulement au cégep (où j’étudiais en arts et lettres, option littérature, avec de grands poètes tels Gérald Gaudet) que c’est devenu un objet d’étude, mais j’en aurais pris bien avant ! Ma meilleure amie Vicky et moi auditionnions toujours pour Secondaire en spectacle avec des poèmes de notre cru. Oh que j’aurais aimé participer à un concours de récitation comme celui des Voix de la poésie !


 


Par contre, ayant grandi en Mauricie, je me souviens avoir lu très tôt les extraits de poèmes affichés partout dans l’espace public dans la ville de Trois-Rivières (une collaboration de la ville, autoproclamée « Capitale de la poésie », et du Festival international de poésie de Trois-Rivières) et d’en être restée marquée. Surtout l’extrait affiché à la gare d’autobus, je m’en souviens encore par cœur : « Un cœur assez patient pour attendre les miettes… » Ces vers de la poète Jeanne l’Archevêque-Duguay m’habitent encore aujourd’hui.

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?


J’écris depuis que je suis toute petite ! Très tôt j’ai arrêté d’habiller mes Barbie, mais j’ai joué encore longtemps en leur inventant des vies, des scénarios d’apocalypse, des cabinets d’enquêteuses, en rejouant Les misérables au grand complet en chantant (rires). Je pense que c’est vers 9-10 ans que j’ai commencé à retranscrire mes histoires dans des cahiers et à les illustrer. J’ai toujours aimé les publications artisanales, en édition limitée, les fanzines et le DIY (do it yourself, le faire soi-même). Encore aujourd’hui je travaille sur un recueil qui prendra place dans une distributrice de serviettes jetables à paraître aux Éditions Fond’tonne et je suis sur le CA d’Archives Montréal qui s’occupe de la plus grande foire des petits éditeurs au Canada, Expozine.


 


La poésie est venue plus tard, et très tranquillement. Elle s’est logée au creux du blanc entre les mots, me permettant une extrême liberté puisqu’elle me donnait la permission de ne plus tout dire, d’offrir mes mots aux lectrices et lecteurs afin qu’ils puissent être touchés et qu’ils les rattachent à leur vécu, qu’ils aient assez d’espaces blancs pour les façonner, sans pourtant briser le poème, en s’y creusant une place… Est-ce qu’on se conçoit un jour comme poète ? Je ne sais pas. Si tu annonces à une conseillère d’orientation que tu veux devenir poète, la réaction ressemble à un beau métier d’avenir comme clown ou cueilleuse de petits fruits ! J’ai amorcé ma « carrière » de poète en récitant mes poèmes sur différentes scènes, pour ensuite faire de la critique, écrire pour plusieurs revues culturelles, cofondé une maison de production, Arreuh, et ensuite un festival, le festival Dans ta tête jusqu’à me joindre à l’équipe des Voix de la poésie. Ça fait 20 ans que je fais ça et je n’ai jamais manqué de boulot, mais on doit savoir vivre avec peu et beaucoup d’incertitude. Beaucoup de passion aussi, et une belle communauté et ça, ça me motive encore aujourd’hui. 

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?


Le travail des poètes c’est d’ouvrir autant de portes et de fenêtres que possible, de mettre le feu aussi parfois. On écrit pour rendre la poésie accessible, pour la décimer dans l’espace public, pour la partager et pour permettre aux gens de sentir, de ressentir quelque chose. La poésie est nécessaire et le poète la tient à bout de bras. J’ai toujours été persuadée que nous ferons la révolution armés de poésie. Je crois en la puissance de la parole, en l’importance de la communauté et de l’activisme. Voilà le travail du poète : savoir garder vivant.

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?


Les 4 courts poèmes qui sont dans l’anthologie viennent d’une suite nommée tout simplement « Winnipeg ». Je suis tombée amoureuse de Winnipeg la première fois que j’y ai mis les pieds lors d’un voyage en sac à dos où j’ai traversé le Canada d’est en ouest. Je n’ai jamais trop su comment l’expliquer, mais ensuite chaque groupe de musique, artiste visuel, poète que j’aimais venait de Winnipeg. Il y a quelque chose avec ce milieu du pays, éloigné de tout et pourtant tellement actuel où se loge enfin l’espoir d’arriver à se déposer quelque part. Winnipeg est de ces villes qui me rappellent la phrase de Réjean Ducharme, « l’amour, ce n’est pas quelque chose, c’est quelque part ».

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?


Il y aurait tellement de poèmes que j’aimerais savoir par cœur, tellement de poèmes bouleversants et merveilleux ! Depuis quelques années, je traîne bien ancrés en moi quelques vers de « Nous » de Geneviève Desrosiers, c’est un poème-manifeste bouleversant. J’aimerais aussi apprendre au bout des doigts et du cœur le poème « Trust Fund Witches » d’Emma Healey, tiré de Stereoblind, ce recueil si puissant ! Mais je pense que ce serait le tout premier poème du recueil incommensurablement touchant qu’est L’année de ma disparition de Carole David ; j’en connais déjà l’incipit par cœur : « Je viens de t’abattre à la sortie du motel » et les deux derniers vers, deux forces, deux phares dans le paysage poétique québécois des dernières années, qui me chavirent chaque fois : « Quelqu’un me prend à la gorge / pour me monter au ciel ».

Publications

Titre
L'avion est un réflexe court
Maison d'édition
Del Busso Éditeur
Date
2017
Type de publication
Recueil
Titre
Vickie
Maison d'édition
Éditions Fond'tonne
Date
2021
Type de publication
Recueil
Titre
Anthologie de la poésie actuelle des femmes au Québec, 2000-2020
Maison d'édition
Éditions du remue-ménage
Sous la direction de
Avec Vanessa Bell
Date
2021
Type de publication
Anthologie
Start here: