Steve McQueen (mon amoureux)

et puis t’aimes pas les mots tu les connais pas souvent tu

sais pas ce qu’ils veulent dire y’a tout un genre de mots

que tu veux pas entendre ou dire les mots à trois syllabes

tu laisses tomber tu veux même pas savoir ce que tu

pourrais dire avec

 

mais du temps où tu t’appelais Bullitt

t’avais moins le temps de m’interroger

beaucoup de travail

buvais du lait du jus d’orange pas de bullshit pas d’alcool

t’avais les idées tout à fait claires tout à fait

t’avais la tête d’un flic

 

et tu enquêtais résolvais courais poursuivais en Mustang

les mafieux

tu mettais les hommes en feu

 

c’était la première fois qu’on voyait du cent vingt milles à

l’heure dans les rues de San Francisco deux voitures

accélèrent prennent les coins ronds très ronds et puis

jumpent comme des vélos sur un jump dans les rues qui

descendent San Francisco l’une s’écrase dans une station

de gaz l’autre s’arrête les roues au-dessus du ravin

 

et tu m’emmenais au restaurant et tu me souriais

et dans ce sourire j’oubliais les filles égorgées étranglées

les corps en sang dans les apparts dans les chambres

d’hôtel sur le trottoir que tu regardais comme si c’était

des tapis de porte des peaux d’ours sur un lit comme si

c’était rien les cous ouverts ce sourire me faisait oublier

que rien te touche rien pénètre sauf

moi ?

tout ce qu’on est prêtes à oublier pour ce sourire

 

le gun sur ma tête la nuit quand je me réveille

et tes yeux froids qui me fixent

 

tout ce qu’on oublie quand on veut

 

et je souris pour te faire oublier ce que tu faisais

ce que tu disais pour effacer ce que tu pensais

si ça pouvait marcher

 

et Bullitt après une nuit de travail me trouve dans son lit

passe l’eau dans son visage pour qu’images et

odeurs partent

pour oublier la dernière histoire de Bullitt

comme un épisode qui finit et qu’on oublie dès le suivant

Bibliographical info

Renée Gagnon, Steve McQueen (mon amoureux) (extrait), Le Quartanier, 2007. 

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