Vie et mort d’Ève

L’arbre du jardin

A mûri ses pommes

Et dans chaque pomme

Ont mûri les grains,

Et dans chaque grain

Il y a un arbre,

Dans l’arbre la terre,

Dans son poids de terre

Masse de soleil

Et le firmament

Avec ses étoiles

Et la grande Voie

Des immenses mondes

De poussière immense

Et dans chaque monde

Est son poids de vide,

Ô pomme magique,

Et ton pesant d’or,

Ton pesant de vide,

Petit grain de vide

Ô petit grain d’or,

Germe du désir

Au souhait d’un cœur,

Tel est le présent

Par un ange offert,

Par un prince blanc,

Par un prince noir,

Ô caresse, haleine,

La graine du vide

Et des apparences

Et baise, ô cœur chaud,

Le bien et le mal

Pesés dans l’amour.

 

Ève dit :

 

Toujours il y eut ce jardin.

On le traça perdu,

On le planta perdu,

On le nomma perdu.

 

Mais le jardin de l’innocence et ce souvenir qu’on a...

Est-ce ce désert où n’entrèrent que des pierres ?

Tous. les jardins sont perdus,

Et le ciel n’est ciel que de la terre —

 

Elle était vieille déjà, elle dit encore : Je rêvais —

Et elle mourut.

Bibliographical info

Georges Ribemont-Dessaignes. « Vie et mort d'Ève », Ecce Homo, 1987 [1945]. 

© Éditions Gallimard

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