Je connais de la vie
Ce qu’on ne veut point dire
Je sais toute la sève coulée au cours des jours.
J’ai appris l’âge des arbres dans la savane :
L’arbre à pain qui pavane
Le manguier aux œufs verts
Arbres nourriciers des bambins sans lendemain
Suçant dans un baiser troublant
Un bout de canne à sucre.
Je connais, O je connais tant de faims cachées.
Je sais le sang couleur d’encre
Du bois de campêche aux fleurs suaves,
Le destin de l’arbre pour une bouchée de pain ;
Je connais son odeur
Son odeur de charbon dans la fournée brûlante
À l’heure où tombe goutte à goutte le serein.
Je connais, O je connais tant de faims cachées.
Je sais que la tourterelle
Souvent a fini son chant dans les flammes du boucan
Et que son âme bannie, roucoule sans fin
Près d’un cœur enfantin
Qui bondit comme pour dire son bonheur.
Je connais, O je connais d’autres faims
Assouvies par les arbres, les fruits, les oiseaux
Je sais de dame nature toute la sève coulée
Au cours des jours sans pain.
Lucie Julia, « Faims cachées », Chants… Sons… et Cris pour Karukéra, Paris, publié en 1988 aux Éditions La Bruyère.
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