Biographie

Isabelle Dumais est écrivaine et artiste en arts visuels. Elle s’intéresse particulièrement à la peinture abstraite, à la poésie, à l’essai littéraire et à la philosophie. Elle aime les expressions dépouillées, mais chargées d’affect. En écriture, elle a fait paraître des textes en revue (Exit, Jet d’encre, Le Sabord, Estuaire, Françoise Stéréo, Cahiers littéraires Contre-jour, Les Écrits) et elle a publié trois livres aux Éditions du Noroît : Un juste ennui (2010, Prix des nouvelles voix de la littérature), La compromission (2013) et Les grandes fatigues (2019, Prix de littéraure Gérald-Godin et Prix du Livre de l'année de Culture Mauricie, finaliste au Prix de poésie Alain-Grandbois de l'Académie des Lettres du Québec). Elle fait partie du conseil d'administration de la Société des écrivain·es de la Mauricie, organisme qu’elle a présidé en 2018 et 2019. Elle vit à Trois-Rivières.

 

Entrevue

Lisiez-vous de la poésie quand vous étiez à l'école ? Y a-t-il un poème en particulier dont vous vous souvenez ?

J’ai découvert Émile Nelligan en troisième secondaire, mais c’est au cégep surtout que j’ai commencé à lire de la poésie. Celle d’Anne Hébert m’a particulièrement marquée. J’ai été frappée par des textes comme « Le Tombeau des rois », « Nos mains au jardin », « Il y a certainement quelqu’un »... J’étais étonnée de constater à quel point la langue pouvait être précise et nous livrer des images très fortes, par des phrases pourtant toutes simples et percutantes. Le contenu pouvait être dur, mais la joie d’arriver à nommer certaines choses semblait surpasser leur tristesse. La poésie de Hector de Saint-Denys Garneau m'a aussi touchée pour des raisons similaires au même moment.

 

Quand avez-vous commencé à écrire de la poésie ? Et quand avez-vous commencé à vous considérer poète ?

J’ai commencé à écrire de la poésie dans mes cours de mathématiques au secondaire, alors que j’avais assimilé la matière et m’ennuyais en classe. Mais c’est au cégep que j’ai écrit mes premiers poèmes. J’ai d'ailleurs gagné un concours littéraire à ce moment, avec ces premiers textes écrits sous pseudonyme. Dans ma vingtaine, j’ai continué à écrire assidûment. J’ai soumis un premier manuscrit à des éditeurs, qui a été refusé (heureusement, car il était plein de maladresses). Après avoir hésité entre des études en arts ou en littérature, j’ai finalement choisi les arts visuels. Pendant les années qui ont suivi, j’ai toujours aimé le moment où je devais donner des titres à mes tableaux. C’était presque comme écrire de la poésie ! Je me suis décidé un jour à travailler rigoureusement une suite de poèmes à soumettre au Prix de poésie Radio-Canada. Une fois l’élan donné, j’ai poursuivi l’écriture pour arriver à la forme d’un livre, un deuxième manuscrit, donc. Finaliste au Prix, cela m’a encouragée à soumettre le manuscrit à des éditeurs, et j’ai pu publier mon premier livre... à trente-neuf ans ! Au fond de moi, je me sens poète depuis toujours, mais c’est à la parution de ce premier livre que j’ai commencé à me considérer réellement comme telle.

 

Comment voyez-vous le « travail » des poètes ?

Je vois le travail des poètes comme un travail d’amoureux et d’amoureuse à la fois de la langue et du monde. D’une part, c’est pour moi un travail d’artisan, presque d’orfèvrerie, où la langue est sculptée minutieusement pour arriver à créer des blocs d’images inattendues que la prose ne permet pas. J’aime en cela l’exigence de la poésie. Je peux travailler des textes très longtemps, à biffer une ligne, élaguer des mots, trouver des synonymes, déplacer la ponctuation... J’aime arriver à un texte concis où chaque mot a sa place et où le rythme du texte, son souffle, me plaît. Je tire une grande satisfaction lorsqu’un texte m’apparaît ainsi juste, fort dans sa simplicité. Le travail des poètes est d’autre part un travail empreint de compassion pour le monde (à commencer par soi-même) où on observe le réel, le pleure parfois, le rêve toujours. J’aime en cela la bienveillance de la poésie. Un texte peut toucher quelqu’un radicalement et le bouleverser. En ce sens, comme Anne Hébert, « je crois à la solitude rompue comme du pain par la poésie ».

 

Si vous avez un poème dans notre anthologie, qu’est-ce qui vous a inspiré lors de son écriture ?

Ce poème est tiré de mon troisième livre, Les grandes fatigues. Avec ce livre, je désirais aborder nos multiples fatigues, tantôt cruelles, tantôt bienveillantes, qui nous forcent à ralentir, à faire le deuil de certains projets. Je souhaitais parler de nos frustrations et de nos désolations lorsque notre corps ne peut pas suivre. Parler de toutes ces fois où nous sommes bien obligés d’admettre que nous n’avons qu’une vie forcément trop limitée par rapport à tous ces désirs que nous aimerions tant réaliser, tous ces lieux que nous aimerions visiter, tous ces gens que nous aimerions aimer...  Le poème est tiré plus particulièrement du chapitre « Dispositions », où je fais la recension de mes propres faiblesses corporelles bien réelles qui me ralentissent. Fait étonnant, c’est seulement une fois le livre publié que j’ai réalisé la force consolatrice de la sagesse tragique qui se dessine dans le livre, après avoir reçu le diagnostic d’une maladie chronique qui me ralentit énormément depuis, et dont je dois me faire une alliée plus qu’une ennemie...

 

Si vous deviez choisir un poème à mémoriser dans notre anthologie, lequel serait-ce ?

« On a quitté la région... » de Annie Lafleur, tiré de son livre Bec-de-lièvre (Le Quartanier, 2016). J’adore l’écriture ciselée et percutante d’Annie. Ce texte est très fort.

 

Les poèmes

Publications

Titre
Les grandes fatigues
Maison d'édition
Noroît
Date
2019
Type de publication
Recueil
Titre
La compromission
Maison d'édition
Noroît
Date
2013
Type de publication
Recueil
Titre
Un juste ennui
Maison d'édition
Noroît
Date
2010
Type de publication
Recueil
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